Mondial: Un match pas comme les autres

Lundi, Tyler Moy vivra un moment particulier à Herning.

Tyler Moy vivra un match spécial lundi face aux USA © KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI

Dès le troisième match de son premier Mondial, le plus vieux "rookie" de l'équipe de Suisse (29 ans) va jouer contre les Etats-Unis, son pays de naissance.

Elu meilleur joueur de la rencontre face au Danemark avec un doublé et un assist, Tyler Moy ne pouvait pas rêver mieux avant ce match qu'il a dû encercler à peine Patrick Fischer lui avait dit qu'il le prenait dans sa sélection pour le Danemark. Parce que pour le joueur de Rapperswil, cette rencontre représente ses deux cultures. Né en 1995 à San Diego d'un père américain et d'une mère lucernoise, Moy le taiseux va pouvoir affronter ce pays dans lequel il a vécu jusqu'en 2018, avant de débarquer à Lausanne.

Pendant longtemps, le numéro 95 ne pouvait pas imaginer qu'il jouerait un jour pour l'équipe de Suisse. "Enfant, j'étais fan des Etats-Unis et de la Suisse quand je regardais la télévision", se souvient-il. Mais il n'a jamais parlé allemand avec sa mère. "Mon père est de Detroit et ne comprend pas l'allemand, et ma mère ne pensait pas que j'aurais un jour besoin du suisse allemand." Il s'efforce alors d'apprendre au moins l'allemand via une application. "Et puis j'essaie de faire le lien entre ce que j'ai appris et ce que j'entends dans le vestiaire à Rapperswil", dit-il en riant.

Un travailleur acharné

Plutôt réservé, Moy n'est pas du genre à exulter lors de ses buts. Il y a toujours en lui comme une sorte de retenue. Mais après le match de samedi, le Californien arborait un large sourire. Il savoure chaque minute passée au sein de cette sélection. Parce que les deux dernières années, il avait vu son aventure sous les drapeaux se terminer lors du cut final de Patrick Fischer.

Le sélectionneur dit d'ailleurs de lui: "Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un qui en fasse plus pour être dans l'équipe de Suisse. Il essaie de s'améliorer via des vidéos et fait des entraînements supplémentaires." Cet effort porte ses fruits puisqu'il a finalement intégré le groupe pour un Mondial.

Et surtout, Moy a la chance d'être dans une ligne offensive avec Hischier et Meier, là où ses qualités de buteur s'expriment le mieux. "Ce n'est pas quelqu'un pour la troisième ou la quatrième ligne, et lors des derniers championnats du monde, elles étaient justement déjà occupées", explique Patrick Fischer.

En 2023 et malgré ses 51 points (24 buts) en 52 matches, Moy s'était fait recaler. Pareil l'an dernier (36 points en 52 rencontres). Pas facile à vivre pour celui qui a commencé sa carrière sur les bords du Léman. Quand il débarque à Lausanne en 2018, Moy flambe rapidement et inscrit notamment six goals en huit matches.

La suite sera plus ardue. Moy ne marque plus beaucoup. Il file alors à Genève pendant deux saisons, mais c'est véritablement à Rapperswil qu'il franchit un palier. Tout d'abord avec Cervenka, puis tout seul comme un grand lorsque le Tchèque rentre au pays. Avec 42 points en 52 parties cette saison, Moy démontre qu'il peut être le fer de lance d'une ligne et qu'il n'a nul besoin d'une star pour briller.

Quatre ans à Harvard

Rembobinons le fil et repartons quelques années plus tôt aux Etats-Unis. Lorsqu'il se fait drafter par Nashville en 2015 au 6e tour en 175e position, Tyler Moy se dit qu'il va peut-être pouvoir jouer avec Roman Josi et Yannick Weber, alors défenseurs des Preds. Il sort de deux saisons avec Harvard, la prestigieuse université.

Désireux de terminer son cursus en NCAA, Moy dispute encore deux saisons dans le Massachussets. La troisième année est plus compliquée sur le plan statistique avec 19 points (7 buts) en 31 matches, mais il s'accroche. Lors de sa quatrième année, il explose ses records avec 45 points (22 buts) en 36 parties.

"C'était dur de concilier le sport et les cours, se souvient-il. Toutes ces longues nuits passées à travailler sur des projets d'études et à réviser pour les examens m'ont appris la ténacité." La récompense de ce travail en vaut la peine et lui offre un bachelor en biologie de l'évolution humaine.

Son diplôme en poche, il peut goûter à l'AHL à Milwaukee pendant cinq matches, mais ne croise pas Kevin Fiala qui avait déjà rejoint les Predators. Les deux hommes n'auront jamais l'occasion de jouer ensemble sous le maillot de la franchise du Tennessee. Quand Tyler Moy fait sa saison complète en 2017/18 avec Milwaukee (16 points en 72 matches), Fiala a composté son ticket pour la NHL. Ce qui est amusant, c'est que Fiala vient renforcer la Suisse et que c'est Tyler Moy qui occupe sa place sur la première ligne. Des destins croisés en somme.

Un duel d'Américano-Suisses

Mais revenons à ce Suisse - Etats-Unis de lundi après-midi. "Ce sera super spécial, se réjouit-il déjà. C'est une expérience unique de jouer contre ton pays de naissance." Sa famille sera-t-elle tiraillée? Non, elle se tiendra bien entendu les pouces pour la Suisse. "Et ne serait-ce pas génial si un Americano-Suisse marquait un but à un Americano-Suisse?"

Tyler Moy fait référence au gardien Joey Daccord, fils de Brian Daccord, qui fut gardien d'Ambri de nombreuses années dans les années 80 et 90, et qui a rencontré sa femme fribourgeoise lors de son passage à Gottéron lors de la saison 94/95. Et il y a fort à parier que le gardien du Kraken de Seattle affronte la Suisse.

ATS
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